Une petite pause matinale ! [ Libreuh ]

Être tout seul dans son appartement, se lever quand bon te semble, préparer ton déjeuner, te louper, faire griller plus que de raison ta brioche dans le grille pain, reverser le contenu de la théière sur le carrelage.... Y a de quoi s'énerver. Miyo était comme ça, jamais complètement réveillée, maladroite et tête en l'air, elle réussissait à rater ton son petit déjeuner, repas pourtant simple et basique. Ce fut une fois de trop. Depuis un mois, elle a décidé que deux à trois matins dans la semaine, son repas matinal se ferait en dehors de sa cuisine, préparé par quelqu'un d'autre... C'était plus sage, sa patience avait atteint ses limites, et surtout, sa faim la rongeait depuis trop longtemps.

Ce matin, en se levant, la jeune demoiselle fixa le plafond immaculé de sa chambre en se demandant qu'est ce qu'elle voulait aujourd'hui. Son avis se fixa sur une tarte Tatin, ou bien tout simplement aux pommes, elle n'était pas si difficile que ça, comparée aux gosses de riches qui ne veulent manger que des plats de luxe, pas forcément aussi bon que les autres, traditionnels. Miyo connaissait l'endroit idéal pour satisfaire sa gourmandise. A cette pensée, la jeune femme se leva d'un bond, passa à la douche, s'habilla avec les premiers habits qui traînaient, c'est à dire une jupe ample pêche, un dos-nu ivoire simple à pois assortis à la jupe, suivit d'une veste à manches courtes assez serrée de la même couleur, le tout exécuté à la vitesse éclair. Son appétit n'attendait pas, ou presque. Mimi-chan quitta son appartement, en veillant à ce que la porte soit bien verrouillée, et se précipita dehors, en direction du centre-ville qui n'était qu'à, à peine 10 minutes à pieds.

Pendant le trajet, la jeune fille décidait mentalement de sa destination, quand soudain, une pancarte se balançant au gré du vent, dont l'inscription l'interpella :

Spécialités maison du jour :
Moelleux au chocolat
Café liégeois
Tarte aux pommes

Le bâtiment qui proposait ces desserts, était en réalité un bar, en majorité rempli de personnes d'un certain âge. Elle se sentait inconsciemment rassurée, et s'engagea à l'intérieur du café. Elle s'installa au comptoir et commanda une tarte et un thé à la cannelle. Une fois servie, elle dégusta une à une chaque bouchée. La pâtisserie était une réussite, termina sa seconde part et vida sa tasse doucement, jetant un coup d'œil curieux à son entourage. Grosse erreur, elle n'aurait pas vraiment dû faire ça, si bien qu'elle avala de travers son morceau de pomme. Il y avait quelqu'un, à sa gauche, qu'elle connaissait et qu'elle détestait plus que tout. Il s'agissait d'un des "abrutis" qui prenaient le droit de diriger le lycée comme bon lui semblait, et qui humiliaient les autres, collant des cartons rouges à ceux qui osaient leur résister ou qui s'opposaient. Sauf que lui, il est venu la chercher lors d'une soirée, se mêlant de ce qui ne le regardait pas, voulant faire son intéressant devant les autres invités. Résultat, Miyo lui avait renversé froidement le contenu de son verre sur le crâne, puisqu'il avait eut le culot de rabaisser la tenue que son frère lui avait donné, un modèle unique de sa collection. Peu de temps après, la demoiselle s'était retrouvée avec un magnifique carton rouge dans son casier... Déjà qu'elle ne l'appréciait pas beaucoup, le coup de sa critique et du carton avaient définitivement réduit à néant le peu de sympathie qu'elle éprouvait. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres, Mio paya rapidement, se leva, se dirigeant vers la table qu'occupait notre estimé ami. Sa main délicate attrapa le dossier de la chaise libre, qui faisait face au Casanova et s'y adossa. Elle scruta attentivement Besshô-san pendant quelques instants avant de balancer :

_Tiens tiens, mais qui voilà... Notre cher tombeur national. Je me demande ce qu'il peut bien faire ici, dans une gargote pareille... Ce n'est pas ton genre Besshô, il me semblait que les riches dans ton genre préféraient les endroits plus huppés où ils peuvent se pavaner et se faire bien voir, ainsi que le contenu de leur porte monnaie.

Tout en parlant elle s'accouda sur la table, sans le quitter des yeux, lui jetant mentalement tout ce qu'elle rêvait de lui hurler dessus. Son visage était souriant, complètement opposé à ses paroles. Seul son regard était dans le même ton, provocateur et rancunier.

A peine eut-elle commencé sa phrase que la personne visée leva calmement la tête vers elle, avant de replonger dans sa lecture. Si elle ne le détestait pas, elle aurait pu penser qu'il ressemblait à un ange, mais ce n'était pas le cas, loin de là. Il lui faisait penser par certains côtés à un démon mesquin, angélique à l'extérieur, diabolique à l'intérieur. Bref un être fourbe, à tel point qu'elle devait se contenir pour ne pas lui flanquer une rouste dès qu'elle le croisait. Vous l'aurez compris, Miyo est quelqu'un de très rancunier, surtout quand il s'agit de son frère, de manière indirecte certes. La réplique que le jeune homme lui retourna, arracha un sourire amusé à la demoiselle... Elle ne put s'empêcher de penser, puis finalement de répondre ironiquement, autrement dit sur le même ton que lui :

_Mais je suis toujours aussi polie avec les gens que j'apprécie, ce qui est tout à fait normal.

Elle se demanda alors quelle serait la prochaine pique qu'il lui lancerait. La demoiselle l'observait attentivement, il semblait plutôt indifférent à sa présence, du moins pour le moment. A peine eut-il terminé de déguster une partie de sa tarte, qu'il embraya avec une phrase un peu moins ironique. Quelque peu déçue de la répartie du Casanova, Mimi-chan feinta la stupidité, le fixant avec des yeux ronds comme des billes, comme si elle n'avait pas compris. Puis elle leva la tête vers le plafond, l'air pensif, un doigt sur le menton, le tapotant de temps à autre, avant de, finalement, tâter ses canines comme pour vérifier qu'elles allaient bien. La jeune femme s'étira, puis reconcentra son attention sur Hirokumi. Elle replaça machinalement une mèche châtain clair derrière son oreille avant de répondre innocemment :

_Mmh... Non. Je n'ai que toi sous la dent pour le moment. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas venimeuse, sinon tu ne serais plus là depuis longtemps. Mais si tu le veux vraiment, je pense que ça peut s'arranger, ne ?

Bon, là, elle avait fait fort... Mais en réfléchissant bien, elle ne pensait pas être allée si loin, enfin bon c'était dit, c'était dit. Point barre. De plus, elle jubilait intérieurement, pour une fois qu'elle pouvait se lâcher sans qu'il y ait les autres, ça lui évitait de se faire avoir aussi facilement. D'ailleurs, elle ne quittait pas sa "victime" des yeux. Visiblement, elle était satisfaite de l'ennuyer, et ça personne ne pourrait lui retirer, et tant pis si elle devrait endurer "sa" vengeance, ou plutôt celle des lycéens à la botte des OT5...

Soudain, ses magnifiques yeux se posèrent sur la part de tarte presque intacte. Il existait toujours, un petit creux au fin fond de son estomac, et la gourmandise était très forte. La tentation se faisait de plus en plus irrépressible, quand soudain, elle se surprit à allonger le bras avec une rapidité effrayante, attraper l'assiette et son contenu avec une dextérité qu'elle s'ignorait, puis de ramener le tout devant elle tout aussi rapidement qu'à l'aller. Son regard brillait devant la pâtisserie, la tentation la fit engloutir le reste du morceau, ni vu ni connu ou presque. Seuls un sourire énigmatique et l'assiette vide demeuraient, l'un sur ses lèvres dépourvue du moindre indice, l'autre devant la lycéenne, plus de trace de la tarte, le tout avait disparut dans son estomac... Elle se reprit, prit à nouveau son air pas vraiment avenant scrutant la personne qui lui fait face, l'air de rien.

Là, une fois de plus, elle s'était fichue dans de beaux draps par la faute de son plus gros défaut... Sa gourmandise la perdra.

La réponse provocante n'eut pas de réplique, du moins dans l'instant, Miyo, toujours aussi immobile, le regardait s'avancer avec son sourire en coin. Elle ne broncha pas, le laissa parler, même si l'envie de le clouer sur sa chaise était très forte. Il n'aurait fallut, qu'elle allonge le bras, plaçant son index sous le menton du Casanova et un mouvement, souple, rapide, envoyer sa main vers le plafond. Là, le corps du jeune homme aurait basculé en arrière, entraîné par sa lourde tête. Peut-être même, aurait-il percuté le sol, faisant aussi basculer le siège avec lui son impact... Que c'était beau de rêver. Un sourire ravi avait animé ses lèvres alors qu'elle avait le regard vague. Oui, c'était très amusant d'imaginer ce qui aurait pu se passer, jouissif même.

Mio fut sortie de sa transe par l'atterrissage d'une assiette devant son nez. A l'odeur, une tarte aux pommes. Son cerveau la connecta à la réalité, juste à temps pour qu'elle puisse entendre le message suivant :

"_Cadeau, comme ça tu n'auras pas à prendre MA tarte !"

La tirade ne fit qu'accentuer le sourire enchanté de la demoiselle. En réfléchissant bien, si elle lui avait englouti sa part, c'était plus par vengeance, que par envie, même si sa gourmandise était omniprésente. Elle se mit à fixer, et détailler avec insistance le visage du jeune homme. Elle savait pertinemment que c'était très désagréable, et le faisait exprès, en plus d'ignorer la tarte, dont elle repoussa délicatement l'assiette vers lui. Le temps passa, et après cinq bonnes minutes d'observation du moindre de ses pores. Elle lâcha enfin :

_ Merci pour la tarte, mais trois parts ça suffit. J'ai beaucoup d'appétit mais il ne faut pas exagérer. De plus, je ne vois pas pourquoi tu t'offusques de si peu. Je ne fais que suivre tes instructions. J'essaie... mais je réussirai. Je t'aurai à l'usure Besshô, et ça ne fait QUE commencer.

Elle toisa son adversaire avec un regard étrangement bienveillant, mais tout à fait sur d'elle. Elle avisa la deuxième petite cuillère fournie avec la pâtisserie, s'en empara et tapa à un rythme régulier sur la table avec le dos de l'instrument. Pas fort, juste de quoi faire trembler doucement et surtout silencieusement la table en bois. Tout ce qui était posé dessus vibrait à peine, accentuant l'impulsion de départ. Il voulait la guerre il allait l'avoir, mais à la manière Maeda, autrement dit, le chemin sera long, mais pénible et de plus en plus escarpé. La patience était son alliée et elle lui offrait une occasion de se venger. Pendant son manège, elle reprit son observation de sa "proie". Vraiment, on pourrait s'y méprendre avec un ange, à première vue, mignon, serviable, galant, amusant, l'homme parfait incarné sous vos yeux mesdames et mesdemoiselles. Sauf qu'en creusant un peu, c'est une catastrophe, on s'aperçoit qu'il est superficiel, manipulateur, arrogant, provocateur et insolent. Ça casse le tableau et l'illusion de Monsieur Parfait, c'est du pas joli joli tout ça... Mais peut-être que Miyo était tellement exaspérée qu'elle exagérait ? Sait-on jamais ?

_ Monsieur se souvient de mon nom. Va-t-il pleuvoir ?

Le ton était ironique et moqueur. Cette situation avait l'air d'être un jeu... Un jeu, certes, mais qu'en apparence. La jeune femme avait décidé d'utiliser les méthodes des lycéens. Du moins, elle n'irait certainement pas jusqu'à certaines bassesses, (elle a quand même sa fierté et puis elle ne descendrait pas aussi bas qu'eux) mais quitte à avoir sa vengeance, autant qu'elle soit bien faite et satisfaisante. Ce serait encore plus humiliant... Quel régal, c'était tellement amusant et plaisant de penser à ça, mais pour le moment, elle venait que de commencer, le chemin allait être long, très très long.

Sa conscience la fit réaliser qu'elle tapait sur la table depuis cinq bonnes minutes et que la personne en face d'elle l'imitait. Avec un sourire, Miyo stoppa son manège et s'adossa doucement à son siège. La cuillère oscillait doucement, tantôt contre sa joue tantôt dans le vide. Son regard papillonnait, à droite, à gauche, comme si elle ne se souciait plus de rien, comme si elle rêvassait, complètement déconnectée du monde. Plus rien ne semblait l'atteindre, on aurait pu la considérer comme une Alice, celle du Pays des Merveilles. Innocente, rêveuse, loin de la Miyo au caractère bien trempé. Or, il n'en était rien. Elle s'attendait à tout, prête à lancer une joute verbale à la moindre expression négative. Soudain, elle amena l'instrument argenté vers le bas de son visage, la cuillère se retrouva à peine pincée entre les lèvres de la demoiselle, le regard songeur. Peut-être ignorait-elle le jeune homme ?

Tout à coup, ses yeux s'écarquillèrent avec stupeur. Ils fixaient quelque chose en mouvement dehors, un passant plutôt beau d'ailleurs. Son bras gauche s'appuya sur la table et elle se pencha un peu plus vers la fenêtre. Un murmure emplit de surprise fusa :

_Qu'est ce... qu'il fiche ici...?

C'est alors qu'elle profita de la diversion qu'elle venait de créer, le tout grâce à un ensemble d'action criant presque de vérité. Brusquement, comme vexée de la présence de ce passant, elle se tourna brusquement dans la direction opposé puis croisa les bras sur sa poitrine, jouant avec la cuillère précédemment retirée de sa bouche et tapant du pied sur le sol. Le clapotis de son talon s'arrêta bien vite. Elle réalisa qu'elle n'étais pas seule et son regard se ficha vers Hirokumi, comme un reproche d'une éventuelle curiosité ou bien à cause des vibrations de la table. Tout ça n'était que du cinéma. en réalité, elle l'observait. Les muscles de son bras droit se contractèrent, retirèrent la cuillère de leur prison avant que l'objet file avec précision, droit dans le visage de l'OT5. Il percuta sa casquette élimée et son front au passage, faisant tomber le couvre-chef puis chuta au sol avant de rebondir un peu plus loin. Miyo pouffa, baissa la tête pour cacher son hilarité, puis visiblement éclata de rire. Pas un rire moqueur, non, quelque chose de spontané et de sincère. Elle s'amusait beaucoup depuis ce matin, et donc elle ne serait pas prête de partir avant un bon petit moment.

Miyo était assez fière de son tour et son accès de bonne humeur lui redonna l'appétit. La jeune femme agrippa donc l'assiette qu'elle avait repoussé un peu plus tôt, et se saisit d'une petite cuillère sur la table voisine. Elle entama la part avec précaution (on sait jamais... des fois qu'elle morde... non pas Miyo, la tarte) et enfourna la bouchée avec largement plus de délicatesse que lors de son "massacre", il n'y avait pas d'autres mots, de la part de Besshô. Elle savoura la première bouchée illustrée par un sourire ravis. En moins de deux minutes, elle avait terminé son assiette et lorgnait sur l'unique et dernière part qui restait sur la table. Un sourire entendu flottait sur ses lèvres. Miyo alternait avec insistance la pâtisserie et le jeune homme, un peu moins appétissant. Le petit jeu continuait.